Les Essais de Patrice • Panhard

Une histoire d'amour en Panhard 24 CT

Par Patrice Vergès. L'amour d'une voiture peut-il être lié à celui qu'on porte à une personne ? La réponse est oui avec la Panhard 24 CT de Jean-Pierre et d'Éliane.
 

La Panhard 24 CT me faisait rêver mais son 850 cm3 manquait trop de souffle pour mes 20 ans et je l'ai payé au prix fort.



En 1965, jeune étudiant, Jean-Pierre s'achetait sa première voiture neuve. Une Panhard 24 CT de couleur bleue métallisée. Comme pas mal d'acheteurs de ce petit coupé sportif, il avait été fasciné par ses lignes surbaissées et tendues. " J'étais très Panhard à l'époque, mon père en avait possédé plusieurs de même que moi. Que son nom 24 rappelle les 24 Heures du Mans, une course que j'adorais n'avait pas été étrangère à la passion que j'avais pour cette auto avec laquelle j'ai parcouru 120 000 km en usant deux moteurs. Il faut dire qu'en ce temps, je ne ménageais pas la mécanique et abusais de sa tenue de route extraordinaire".

C'était à la même époque qu'il rencontra une jeune fille prénommée Éliane à qui il fit découvrir ( entre autres) les joies de son coupé. Mais la vie, c'est la vie. Son métier de médecin, ses nombreuses activités notamment sa passion pour l'aviation les sépareront et chacun fera sa vie de son coté. Ce, jusqu'en 1999 où il retrouve Éliane qu'il épousera enfin. Comme leur amour était lié aux souvenirs de la Panhard 24 CT, ils décident tous les deux d'en racheter une.



La 24 CT se caractérisait par son capot plongeant et ses doubles phares carénés qui ont inspiré la DS 1968. La petite prise d'air du moteur est située sous la plaque d'immatriculation



Dessinée par Louis Bionier et René Ducassou-Péhau, la silhouette surbaissée et plate de la CT se caractérisait par une ceinture de caisse inspirée de la Chevrolet Corvair et ses montants en forme de flèches de cathédrale.

La même couleur !

Si la Panhard 24 CT de Jean Pierre est de la même couleur que celle de sa jeunesse, ce modèle de 1964 n'est pas encore équipé de freins à disque à double étriers comme la 1965, mais de freins à tambours refroidis à ailettes bien moins performants. Si elle n'affichait que 80 000 km, elle était un peu fatiguée autant au niveau de la carrosserie que de la mécanique. Il la restaure lui-même et aidé par un mécanicien spécialiste en Panhard (Claude Piquet), il fait refaire la mécanique fiabilisée aux normes d'aujourd'hui (distribution en alu, carter d'huile agrandi, embrayage renforcé, mâchoires de frein en carbone, allumage électronique) pour tenter de gommer les vices chroniques du flat-twin.

Rappelons que la Panhard 24 CT (courte) et BT (version allongée de 23 cm) est la dernière voiture produite par la vieille marque française qui a été annexée par Citroën en 1965. Elle a été produite à près de 27 000 exemplaires entre fin 1963 et juillet 1967 où Citroën l'a arrêtée. Elle reprenait toute la structure et la mécanique de la berline PL17. Une base assez ancienne datant de 1946 où la X avait était dévoilée innovant notamment par son petit moteur bicylindre refroidi par air et sa carrosserie en aluminium. Citroën avait interdit à Panhard de produire des 4 portes qui pouvaient concurrencer sa production ni donné les moyens d'investir dans un moteur plus gros, notamment un 4 cylindres à plat de 1200 cm3 qui avait été étudié.



L signifiait Panhard et Levassor, nom des deux associés qui avaient crée la plus vielle marque automobile française à la fin du XIXème siècle.

850 cm 3 refroidi par air

En effet, la 24 CT souffrait d'une cylindrée trop réduite avec son petit bicylindre de 850 cm3 de 52 ch Din. Si la voiture faisait illusion en vitesse de pointe (150/155 km/h) surtout pour sa cylindrée, elle manquait de punch en reprises qu'elle compensait par sa tenue de route de traction avant assez exceptionnelle à l'époque et bien supérieure à celui de la concurrence. Le problème était que la 24 CT ne se comparait à rien et surtout pas aux voitures de sa cylindrée. Sur routes sinueuses, avec une 3eme qui grimpait à 120 km/h, la 24 CT était un régal mais son souffle court en relances surtout en montagne, la rendait bien moins excitante à conduire de même qu'en ville.



Magnifique planche de bord en métal vermiculé équipé de deux gros cadrans à visière. Le volant est ovale pour laisser davantage de place aux genoux.



Les premières versions 1964 se distinguaient par la forme originale du levier de vitesses. Remarquez les ergots qui permettaient aux sièges très moelleux de proposer 2016 positions différentes (28X8X9)



Le chauffage commandé par une molette permettait de réchauffer le pavillon ou les places arrière. Plus théorique qu'efficace à cause de l'absence de soufflerie

J'avoue que ça m'a fait quelque chose de reconduire une 24 CT, voiture que j'ai possédée à 20 ans. J'étais fou de sa ligne originale et de ses nombreux gadgets et nouveautés qu'elle offrait ; sa silhouette surbaissée (1,22 m) aux montants de pavillon inversés en forme d'arche de cathédrale, sa ligne sculptée à ceinture chromée, ses phares profilés, son étonnante visibilité. L'intérieur était encore plus séduisant avec sa planche de bord vermiculée, ses imposants cadrans protégés par des visières, son curieux volant ovale tulipé destiné à dégager de la place pour les genoux, ses 2016 (!) réglages différents de sièges hyper-moelleux pour mieux adapter sa position de conduite, ses feux rouges dans les portes, sa molette de chauffage type aviation où l'air chaud pouvait autant chauffer le pavillon que les places arrière en traversant les portes. Il y avait aussi sa direction hyper-directe (2 tours) que j'ai trouvée incroyablement ferme en manœuvre car pas assistée et surtout sa sonorité originale et aussi très présente aux oreilles due à son refroidissement par air malgré la turbine de refroidissement qui englobe les deux cylindres.



Le petit bicylindre de 850 cm3 était refroidi par une turbine vue à l'avant. Les gaines de chauffages prenaient l'air chaud émis par les deux échappements

Tendres années

Sa mécanique qui exigeait un entretien soigneux et fréquent au niveau des vidanges et des réglages car elle faisait appel à des techniques très originales (rappel des soupapes par barres de torsion à rattrapage hydraulique, vilebrequin à rouleaux) qui épouvantaient les garagistes refusant de mettre les mains dans un moteur de Panhard. Le manque de fiabilité de cette mécanique était souvent le fait d'un mauvais entretien car c'était un moteur assez poussé qu'il ne fallait pas malmener. A 20 ans, je n'avais pas été tendre avec lui en tirant systématiquement à 6300 tr/mn et il s'était rebiffé en cassant de même que sa fragile boîte de vitesses étudiée à l'origine pour un moteur de 360 cm3 dont les petits pignons avaient du mal à passer la colossale puissance de 52 ch Din.

Bref, j'ai retrouvé tous ses bruits, ses odeurs, ses sensations de ma jeunesse à son volant. Sentiments et perceptions que partagent évidement Jean-Pierre et Éliane qui retrouvent leurs tendres années au sein du petit habitacle de ce superbe coupé. Et quand on aime, on a toujours 20 ans !
 

Le millésime 1964 est encore équipé de gros freins à tambours à ailettes de refroidissement baptisés ETA (Évacuation Thermique accélérée)


 

10-2-copie
Jean -Pierre a retrouvé la 24 CT de ses 20 ans qu'il a choisie de la même couleur


 

Exclu communauté POA : un lavage programme 5 (valeur 17 euros) offert pour un premier achat de 35 euros avec le code POA35 !

Samedi 9 novembre 2019

L’avis des Petits Observateurs

1 commentaire au sujet de « Une histoire d'amour en Panhard 24 CT »

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La voiture que je voudrais pouvoir garer un jour à côté d'une Maserati Quattroporte dans le garage de mes rêves...
Il y a bien des points communs entre cette belle d'Ivry et les productions de la firme de Modena : la pureté du design, la sonorité rageuse du moteur, la sophistication de l'équipement = phares carénés (lesquels seront pompés sans vergogne par Bertoni pour le facelift de la DS), cadrans signés Jaeger (les mêmes que sur les Lamborghini 350 GT!), accoudoirs courant de la planche de bord jusqu'à la lampe de gabarit sur les portes, banquette arrière rabattable (pas courant sur ce type de voiture même de nos jours), et surtout cette commande de distribution de chauffage inouïe, élément de luxe dans un habitacle par ailleurs très sportif.
Pour les amateurs, le collectionneur américain Jay Leno vient de restaurer la sienne (une BT) , et la présente dans un épisode de son programme Youtube = www.youtube.com

Lundi 11 octobre 2021 à 16h11

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