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Biocarburants : Quel avenir pour l'E85 et compagnie ?

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Jamais nous n’avons eu autant besoin d’alternatives au pétrole. L’automobile et le transport routier ayant sa grande part dans la pollution de la planète et le réchauffement climatique, la transition énergétique du secteur se tourne massivement vers l’électrique mais semble avoir oublié l’une des nombreuses solutions que sont les biocarburants. Explications.



Pourtant la vague des modèles à batteries, ayant débuté dans ces années 2010 s’est précédée d’une autre où les carburants se voulaient "verts", "propres" et autres adjectifs montrant que le réservoir pouvait encore respecter l’environnement. Or cela n’a jamais véritablement pris, hormis au Brésil ou dans quelques rares pays où les autorités ont abondamment poussé à leur consommation. Qu’en est-il en France ? Ont-ils un avenir ? Avant de débattre sur le sujet, petit point sur les biocarburants, leur utilisation actuelle et leur production.

C’est quoi un biocarburant ?



Rien à voir avec le biologique "naturel" sans pesticides de nos aliments, cela signifie des carburants produit par la biomasse :



  • origine végétal via cultures de plantes, céréales, arbres ;


  • des déchets ou résidus végétaux ;


  • des déchets ou résidus liés à l’animal.




Dans le cas où ils seraient produits de façon agricole, ils ont leur autre patronyme agrocarburants.

Comment produit-on du biocarburant ?



Aujourd’hui environ 85% de la consommation est de type diesel d’origine huile de colza/tournesol/palme tandis que les 15% de biocarburants essence sont du bioéthanol, obtenus à partir de betterave ou de céréales (maïs, blé, soja).

Ils constituent la première génération de biocarburant, la deuxième étant actuellement en projets et très peu commercialisée.



Les biocarburants de 2nde génération sont des éthanols dits lignocellulosiques, issus de la récupération de paille et de bois, produits en culture pérennes ou dédiées de végétaux à croissance rapide comme les taillis rapides type Miscanthus Giganteus (photo), Switchgrass, ou peuplier à courte rotation.

Donc pour les biocarburants de 2nde génération aucune rivalité n’existe ici avec l’agroalimentaire, pas d’inflation à prévoir, et surtout la production devient plus faible en carbone en utilisant des déchets voire renouvelables.

Encore plus efficaces, les biocarburants de 3ème génération sont à base d’algues. Ces "algocarburants" ayant percé dans certains médias ou publications au début des années 2010 sont encore au stade expérimental.

L’avantage est une production plus efficiente, car les algues sont produites dans un espace considérablement plus compact et la culture est renouvelable après quelques jours là où certaines cultures de 2nde génération nécessitent des semaines/mois.

Voici un résumé pour ceux qui seraient perdus :

https://www.youtube.com/watch?v=ZOtgsbnylu4

Qui produit des biocarburants ?



Les plus gros producteurs mondiaux sont les États-Unis, le Brésil et l’Allemagne. Dans le cas du Brésil, les moteurs "FlexFuel" essence/E85 introduits en 2003 ont désormais inondé 90% du marché, expliquant la position du pays, mais accélère davantage la déforestation.

La France est au pied du podium, 4ème avec seulement 2 Millions de tonnes produits par an soit à peine 5% du volume global. Bien qu’acteur majeur, cela ne suffit pas à être autonome.

Aujourd’hui, la France importe environ 4 fois plus qu’elle n’exporte avec 80% de biodiesel, la facture de ce déséquilibre atteignant plusieurs centaines de millions d’euros, 570 millions par exemple en 2016.

Le biocarburant, tout le monde en consomme



Cela en surprendra beaucoup, mais tous les automobilistes, chauffeurs routiers, conducteurs de bus roulent quasiment avec du biocarburant. Exactement 99% selon les statistiques officielles avec 79% de gazole en volume, et 20% d’essence.

Vous connaissez les appellations des carburants essence SP98, SP95 ou encore SP95-E10 ? Les chiffres 98 et 95 indiquent leur indice en octane, mais permettent de mémoriser leur composition en bioéthanol, jusqu’à 5% maximum pour le SP95/SP98 contre 5 à 10% pour l’E10.

https://www.youtube.com/watch?v=oJHjcf94tqU

En pratique, le taux est variable selon les périodes de l’année et circuits de distribution. Le gazole est aussi concerné. Bien qu’il n’ait pas de dénomination type "Gazole-E8", il possède bien 7,7% de biocarburant en moyenne dans chacun de vos pleins en station !

Ces incorporations permettent d’atteindre 7% de biocarburant dans la consommation totale de carburants dans le pays. Ce volume augmente progressivement, puisque le mixte se tourne davantage vers l’E10, représentant 35% de la consommation en 2016 contre 65% pour les classiques SP95/SP98.

Les vrais biocarburants



Lorsque l’on met de côté les carburants traditionnels et leur part marginale de « bio », les véritables biocarburants sont représentés par les E85 ou superéthanol, mais aussi des biodiesel B30 « Diester » et ED95.

L’E85 est comme son nom l’indique un carburant dont le mélange est essentiellement de l’éthanol, avec entre 65 et 85% selon les circuits de distribution. Il n’est pas toujours compatible avec les moteurs essence mais une conversion via boîtiers, aujourd’hui autorisée, permet son utilisation.



En diesel, ils sont moins connus. Le B30 est composé d’environ 30% de biodiesel, l’ED95 jusqu’à 95% dont le reste n’étant pas du diesel mais des additifs. Le B30 est rare mais intéressant car compatible avec tout moteur diesel sans conversion, l’agglomération du Havre l’a utilisé pour sa flotte d’environ 500 véhicules automobile à partir de 2005.

Les biocarburants sont-ils 100% propres ?



Soyons clairs, non. Un biocarburant ne permet pas actuellement se considérer totalement vertueux, propre ou sans émissions. En pollution locale, il émet comme tout autre carburant classique des gaz polluants, en majorité du dioxyde de carbone (CO2), ainsi que des oxydes d’azote (NOx) sur le gazole et des particules fines.

L’étude Globiom de la Commission Européenne publiée en 2016 est radicale. Tous les biocarburants diesel de première génération sont plus polluants de 80% vs carburant fossile, variant selon la culture, la pire étant celle basée sur l’huile de palme (+200%) sans parler de l’impact sur la biodiversité. L’éthanol serait mieux loti avec moitié moins de gaz à effet de serre sur le cycle global.

L’origine du biocarburant peut effectivement changer le bilan global. Toujours selon le rapport, les biocarburants seconde génération s’en sortent encore mieux. Mais là encore, ceux basés sur les déchets végétaux (bois, paille) émettent encore 20 à 30% plus qu’elle n’en captent, les cultures pérennes et à rotation rapide étant les seules à se revendiquer d’une empreinte positive de -29%.



Toutefois, dans le domaine des bus et camions, l’ED95 homologué en 2016 fait ses preuves et continue ses expérimentations. La dernière en date étant la ligne Dax-Mont de Marsan à l’automne 2018 avec le soutien de Scania et Raisinor.

Poussé par le constructeur suédois dès les années 1980, ce biodiesel quasi pur est issu de la récupération de marc de raisin, un déchet végétal sans concurrence à l’alimentaire. Outre -95% de CO2 et -50% de NOx à l’échappement vs diesel, il réduit drastiquement l’impact environnemental sur le cycle global (pas de production dédiée) et la pollution des milieux aquatiques.

La société Esterner produisant du biodiesel à partir d’huiles animales (EMHA) revendique -83% d’émissions de CO2, et -11% de NOx en moyenne par rapport au gazole. Quant au B30, il dispose des mêmes propriétés, atténuées en raison du plus faible taux d’incorporation. Les additifs, composés chimiques polluants, pourraient être remplacer par des enzymes afin d’abaisser l’empreinte environnementale.

Quel avenir pour le biocarburant ?



S'il luttait en 2010 pour être un des avenirs du transport, son futur est aujourd’hui compromis. Le mouvement vers l’électrique est amorcé dans les principaux marchés automobiles et soutenu par les gouvernements. L'hydrogène ne récupérant que des miettes. Le biocarburant n’ont ainsi pas leur mot à dire.

La part de 10% de biocarburants en Union Européenne d'ici 2020 - votée en 2009 - a d'ailleurs été rabotée à 7%, tandis que les défenseurs de l'environnement s'alarment. Un projet de l'UE a par ailleurs envisagé la suppression pure et simple des biocarburants, mais a cédé à un compromis gelant la part des 1ères générations avec interdiction à terme de l'huile de palme, et portant à 3,5% les 2èmes générations - incluant le biogaz - d'ici 2030.

Cependant il faut y croire, et pousser la 2nde génération maintenant. Voici les avantages écologiques et économiques :



  • La conversion de véhicules actuels est à privilégier au lieu de produire de nouveaux véhicules électriques/zéro émissions (et donc consommer énergies, matériaux tout en polluant) ;


  • Les biocarburants de 2ème génération issus de cultures rapides ont une empreinte CO2 positive sur leur cycle de vie, et ce sur des surfaces réduites ;


  • D’autres biocarburants de 2nde génération peuvent retraiter des déchets, comme le bois ou la paille.


  • Économiquement parlant, un biocarburant de 2ème génération produit en France pourrait pallier à la dépendance énergétique. Le pétrole étant importé (Arabie Saoudite, Kazakhstan, Nigéria, Russie), tout comme environ 30% des biocarburants 1ère génération (Allemagne, Malaisie...).




Autre argument : le porte-monnaie et la conversion E85



Si l’environnement n’est pas la priorité, l’argent est aussi un facteur déterminant pour ceux roulant à l’essence. Le litre d’E85 coûte en décembre 2018 environ 0,65€/l, soit 55% moins cher que le SP95 ou le E10, loin de son plus haut de 2013 (0,93€/l). En ces temps où l’essence remonte vers ses records de 2012-2013 et le mouvement gilets jaunes revendique moins de taxes, l’E85 dénué de TIPP pourrait leur être la solution court-termiste la plus viable, sachant que l’électrique est inabordable pour la plupart malgré les bonus et primes à la conversion.

Tandis que les modèles vendus comme "Flexfuel" ont disparu des catalogues, les boîtiers de conversion E85 sont la solution. Auparavant montés "sauvagement", ils sont progressivement approuvés depuis 2018 et seraient compatibles avec environ 10 millions de voitures en France selon La Collective du bioéthanol. Biomotors a été le premier à recevoir l’autorisation par l’UTAC, suivi de FlexFuel Company et d’ARM Engineering fin décembre 2018. Les boîtiers sont abordables, de 600 à 1.200€ selon la catégorie du véhicule.

https://twitter.com/SARLBiomotors/status/1051457704257048576

Autre solution, plus risquée et examinée par L'argus, est d’incorporer du superéthanol progressivement dans ses pleins, notamment sur les modèles d’après 2000. Or sans précaution le moteur pourrait être endommagé, et la garantie constructeur ne sera plus valable. En parallèle, le gazole n’a toutefois aucune alternative existante si ce n'est le B30, non diffusée en station au public.

Abordable pour les consommateurs, le bioéthanol E85 dispose d'une face sombre, celle de son impact écologique, que la majorité d'entre-eux ignorent. Bien que les initiatives façon ED95 et certaines cultures de 2è génération donnent un souffle à la filière, le développement est lent et ne semble pas suffisant pour faire face à la vague électrique attendue ces prochaines années. Et ce n'est pas le frein de l'UE face aux biocarburants, le stade encore expérimental des algocarburants ou les études les accablant qui les aideront.



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Samedi 20 avril 2019

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