Souvenirs d'Autos • Ford

Souvenirs d’Autos (179) : Drame à Lyon

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Chers Petits Observateurs, je ne vous cache pas que j’ai beaucoup hésité avant de publier cette histoire envoyée par Pierre. Vous comprendrez pourquoi à la fin. J’ai finalement décidé de la partager avec vous pour une raison simple : « Souvenirs d’Autos » raconte une autre époque, la nostalgie, les odeurs, les bons moments, les pannes, la vie… qui n’est pas toujours la sœur du rêve.  Merci de votre compréhension.



Rémy est le meilleur ami de mon père. Il veut être mécanicien auto et obtient le CAP. Il trouve un emploi chez un garagiste situé en centre ville à Bourg-en-Bresse, rue Victor Hugo, débouchant sur le lycée Lalande.

Les petits garages sont nombreux au cœur des villes à cette époque. Reconnaissables à la pompe à essence unique plantée sur le trottoir, aux traces d'huile sur le ciment et aux plaques Michelin ou Bosch en tôle émaillées vissées au mur de chaque coté d'un large portail.

Coincé entre de hautes maisons, le garage est vétuste, sale, noir de cambouis et froid l'hiver, on y asphyxie vite quand un moteur tourne. Un portail unique, bruyant et démembré est le seul accès du lieu. Le patron est dur et antipathique, vêtu d'une cote trop large et noire de graisse, il fait le coq auprès des clientes. Rémy, jeune, s'en amuse.

Les outils manquent et Rémy doit se constituer une lourde caisse qu'il emporte parfois attachée sur le porte-bagages de son vélo pour les dépannages en ville. Il n'y a pas de dépanneuse. Rémy n'aime ni son patron ni ce garage. Il y restera pourtant quelques années.

Milieu des années 60, Monsieur Jouvret lui propose un travail à Lyon dans un garage pour camions et autos de la marque Ford. Rémy accepte aussitôt la proposition et quitte l'atelier de Bourg sans regret. Et c'est heureux qu'il rejoint la grande ville.

Le garage est spacieux moderne avec deux longues fosses pour travailler sous les véhicules. Trois grands portails et un bureau s'ouvrent sur l'avenue Félix Faure. Sur une très haute façade blanche sont peintes les lettres Ford en blanc dans l'ovale bleu. C'est une belle avenue au cœur de Lyon, la circulation encore fluide à cette époque permet de tester sans difficulté les véhicules réparés.

Rémy est bien accueilli au sein de l'équipe des 6 gones Lyonnais, sa gentillesse et sa simplicité sont appréciées de tous. Un petit pécule en poche Rémy s'offre sa première voiture d'occasion à bon prix et dans la marque de l'enseigne. Une Ford Anglia Deluxe jaune. Cette berline est bien étrange avec sa calandre en « bouche de baleine » et sa lunette arrière inversée. Je me souviens très bien de l'allure toute particulière et originale de cette auto.



Ce jour, Rémy effectue une dernière mise au point sur un camion qu'il ira ensuite tester sur l'avenue pour une dernière vérification. Chaque jour les mécanos déjeunent ensembles dans un Petit Bouchon lyonnais tout proche, ils partent devant, Rémy leur crie de ne pas l'attendre, qu'il sera en retard.

Il est déjà 13 heures, la basilique de Fourvière sonne au loin, Rémy n'arrive pas. Ses amis s'interrogent vaguement inquiets. Repas vite terminé, ils se dirigent vers le garage, cigarette au coin des lèvres, et forçant le pas. Les souliers lourds martèlent le trottoir.

Rémy n'est pas là. Il arrive parfois qu'un véhicule reste immobilisé au beau milieu du boulevard, mais le camion qu'il a essayé est bien garé là.

Depuis le portail les compagnons appellent « Rémy ! Rémy ! », pas de réponse. Inquiets ils font quelques pas gênés par la pénombre, quand ils aperçoivent alors Rémy allongé au fond de la fosse. Ils descendent tous précipitamment, se penchent sur Rémy lui parlent.

Rémy bouge à peine, essaie de parler, son regard cherche ses amis, se perd.

Les mécanos se serrent près de Rémy, Monsieur Jouvret lui relève doucement la tête, mais avant même qu'il ait pu lui dire un mot, Rémy ferme les yeux, et doucement s'endort pour toujours.

Il avait 31 ans cet été 67.

 

Ce qu’il s’était passé :

Il était un peu plus de midi quand Rémy rentrait au garage, heureux, le camion sera prêt pour le client à 14 heures. Ses collègues l'attendaient au restaurant, il n'y avait pas de temps à perdre.

Il entamait une manœuvre sur le large trottoir, et lentement dirigeait le véhicule en marche arrière au dessus de la fosse. Puis s'arrêtait.

Rémy avait trop reculé, le long nez du moteur lui masquait l'avant de la fosse non protégées par ces madriers lourds et noirs de cambouis.

Il descendit de l'engin, poussa la porte de la cabine et passa devant le camion. La fosse était béante, noire.

Rémy plongeait dans ce gouffre, sa tête heurtait le lourd pare-choc puis le bord en ciment de la fosse, le tuant presque sur le coup.

 

Les années suivantes, Jouvret et les compagnons de Rémy, ont continué à déjeuner au Petit Bouchon, unis par leur solide amitié. Ils ont souvent évoqué le souvenir de leur ami, disparu bien trop tôt. Ils ont régulièrement trinqué à sa mémoire… surtout pour ne jamais l’oublier.

 

Vous aussi, racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion…. et pas trop d’histoires aussi triste que celle-ci. Et si possible, joignez à votre histoire des photos…. On adore ça chez POA ! Merci.

 

 

 

 

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Vendredi 1 juin 2018

L’avis des Petits Observateurs

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