Souvenirs d'Autos • Rolls Royce

Souvenirs d’Autos (173) : La Rolls de Joes

Une rubrique pilotée par le Commandant Chatel. Cette histoire m’a été envoyée par Olivier, fidèle de Souvenir d’Auto.



Son élégance naturelle, et surtout son immatriculation britannique particulière « JOES » font que dès mon arrivée devant l’hôtel de Paris à Monaco, tous les touristes, surtout japonais m’immortalisent avec leur appareils photos « encore » argentiques en cette année 1997. Même au pays des Rolls et des Bentley cette auto détonne.

2017 et le « m’as-tu vu » outrancier venu des steppes de Russie ne s’est pas encore installé à Monte-Carlo. Cette Rolls, propriété d’un riche britannique excentrique est tout simplement « So Chic ».

Mais revenons quelques heures en arrière…

Il me reste vingt centimes en poche et je n’ai pas mangé depuis deux jours. Pas payé mon loyer depuis deux mois. Et une colère froide m’envahit depuis deux heures. Je marche, épuisé mais déterminé en direction de la villa du vil personnage qui m’a escroqué dans la vente de sa licence de taxi à Roquebrune Cap-Martin. Je suis sans le sous et décidé à lui exploser la gueule. Cette ânerie m’aurait valu sûrement des années de prison et une vie gâchée à jamais.

Tnut tnut ! Le klaxon d’une Honda civique est tout sauf glamour.

Mon jeune collègue de taxi m’interpelle et me propose contre 50 francs de rapatrier une Rolls depuis chez un carrossier à Menton vers l’Hôtel de Paris à Monaco.

Ô joie ! Tout donc peut arriver sous ces cieux bénis des dieux.

Je saute dans la Civic de mon sauveur.

Je suis aux anges et j’en oublie ma situation précaire.

Voilà la Rolls magnifique ! Extraordinaire pour un fan de la marque.

Je vais demander la clé aux carrossiers qui tentent vainement de m’expliquer quelque chose. Jouant au vieil habitué, je ne les laisse pas finir leurs phrases. Tss tss. Je suis l’homme d’une Rolls voyons !



  • Le carrossier : Mais il faut que je vous explique…


  • Moi : Ça ira merci…


  • Le carrossier : Vous savez…


  • Moi : Oui bien sûr…


  • Mon collègue : Mais bien sûr qu’il sait !




À deux, les conneries ont de l’échos.

Le deuxième carrossier, avec un sourire sardonique : Laisse, Éric, laisse-le faire…

Cela aurait dû m’avertir, surtout quand la dizaine d’employés sont sortis les bras croisés en nous observant.

Quel bonheur mes amis. Quelle ivresse ! Un sourire béat relie mes deux oreilles. Je monte dans ma première Rolls. A gauche, alors que le volant est à droite. Voiture immatriculée au Royaume-Unis oblige. Ça rigole du côté des carrossiers. Mais ils restent. Méfiance ! Je perds mon sourire niais. Me voilà installé du bon côté.

J’en ai la chair de poule. Je glisse délicatement de peur de la casser, la très fine clé dans l’orifice prévu à cet effet placé à droite du volant. Et…rien.

Je réessaie. Rien.



  • Oh Jeune ! (Avec l’accent niçois) Oh ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu ne sais plus démarrer une voiture ? Ho ?


  • Moi : (Avec un reste d’accent genevois) Ben… elle ne démarre pas cette conne !




Mon collègue, décidé à prendre les choses en main, me rejoint. Et sous l’hilarité générale de ces satanés carrossiers nous voilà touchant à tous les boutons possibles. Même ceux commandant les vitres qui n’en n’avaient pas demandé autant. Zipppp la vitre arrière gauche. Elle ne remontra jamais. Zippp la vitre du passager à gauche. Elle remontra à moitié, plus courageuse que sa sœur de derrière.

Le deuxième carrossier sifflant la fin de la récré :



  • Vas-y Eric, va leur montrer…




Ce pervers de la clé à molette ouvre le coffre et nous montre le coupe-circuit.

Oublions vite cet incident puéril.

Me voilà installé, et non pas assis au volant de ma première Rolls. Je traverse Menton. En 1997, il n’y avait pas encore toute cette circulation. Je suis seul au monde. Je file sur le bord de mer. Quelle onctuosité. Un tapis volant, avec cette puissance suffisante comme « ils » disent. Au volant de cette voiture, je suis le roi du monde. C’est l’antichambre du paradis. Cet effluve typique des cuirs de chez Conolly qui vous chatouille les narines. Ce confort royal. Aucune animosité chez les passants que je croise. Ils regardent avec un sourire complice la voiture glisser sur l’asphalte. Dans cette région, on a l’habitude d’en voir souvent.

Je vais arriver au début du Cap-Martin, un passant me dévisage d’un œil mauvais. Il en fallait bien un, mais horreur, c’est l’agent immobilier qui me loue l’appartement que je n’ai pas payé depuis deux mois !

Il a dû penser que j’avais gagné au loto. Comme j’avais perdu 15 kilos suite à un régime imposé par certaines circonstances de la vie, il ne m’a pas rattrapé.

Me voilà croisant cette jolie caissière du petit Casino pas aimable quand j’avais affaire à elle. Elle écarquille les yeux et me sourit comme si j’étais Brad Pitt. Alléluia ! L’habit fait le moine. J’ai vingt centimes en poche et j’ai l’impression d’être Bill Gates.

La traversée de Saint-Roman juste avant l’entrée sur le territoire monégasque est inoubliable.

La Rolls-Royce, qui roule dans ce magnifique paysage. La luminosité. L’ambiance de la voiture avec ses cuirs, ses boiseries sa moquette épaisse. Son silence de fonctionnement. Mon impécuniosité passagère et irréelle dans ce symbole du luxe, fait de ce moment, un de ces souvenirs gravés à jamais dans une vie d’homme.

La voiture, loin d’avoir l’efficacité d’une classe S tient néanmoins bien la route. Il faut quand même anticiper les freinages.

Me voici arrivant à l’hôtel de Paris. Je remets les clés de la Rolls au Portier. Le propriétaire est au bar.

Vous croyez aux signes ?

Moi oui, je suis trop faible pour être rationnel. Deux jours après je signais un contrat de saisonnier à la SBM.

Après six mois de misères morales et matérielles, j’avais alerté ma mère de ma situation. Une comtesse, amie du Prince Rainier après intervention de ce dernier me fait rentrer comme voiturier au Casino de Monaco.

Juste pour une saison, car ces emplois sont dévolus et réservés depuis peu, aux monégasques.

Peu importe, grâce à cet emploi ma carrière dans l’hôtellerie de luxe était lancée.

Soyons Païens, cette Rolls m’annonçait la fin de ma mauvaise période et m’indiquait le lieu de ma renaissance. Client habitué de l’hôtel de Paris « Joe » gara sa voiture devant l’établissement, tout l’été 1997. Elle m’accompagna de sa bienveillance durant toute cette période.



  • Fucking car !!!


  • Joe, ce n’est pas moi qui ai touché les boutons des vitres…






Cette rubrique est aussi la vôtre !

Racontez vos anecdotes au Commandant Chatel par mail (thibautchatel@icloud.com), il se chargera de les publier. N’oubliez pas que pour « Souvenirs d’Autos » nous cherchons de l’anecdote, de l’humain, de l’humour, de l’émotion.  On oublie un peu l’arbre à came et le Weber double-corps… Et si possible, joignez à votre histoire des photos…. On adore ça chez POA ! Merci.

 

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Vendredi 20 avril 2018

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