Les Essais de Patrice

40 ans d'essai automobile (deuxième partie)

 

Par Patrice Vergès. En matière de progrès automobile, les années 80 ont été marquées par la démocratisation du turbocompresseur autant pour les moteurs à essence que diesel liée aux fulgurants progrès en matière aérodynamique. (première partie à lire ici)

En août 1982, Audi créa l'événement en dévoilant sa nouvelle Audi 100 à l'aérodynamique exceptionnelle de 0,30. A cette époque, à part Citroën, peu de constructeurs s'intéressaient à la pénétration dans l'air. Les voitures avouaient des Cx moyens de 0,45, parfois davantage. Non seulement, l'Audi était d'une belle et élégante pureté mais sa finesse lui apportait gratuitement une quinzaine de km/h supplémentaires avec, en prime, un litre de moins de carburant aux 100.

Du coup, elle démoda brusquement l'ancienne 100 taillée à la serpe avec laquelle je roulais quotidiennement avec tous les ennuis de la terre. Tous les constructeurs s'intéressèrent brusquement au Cx. D'abord, ils " aérodynamisérent " leurs carrosseries déjà existantes à coup de becquets, spoilers, cache-gouttières, flasques d'enjoliveurs. Bardées de tous ces appendices aérodynamiques, rajoutés à la va-vite, certaines voiture devinrent carrément moches. Comment avait-on pu vivre sans aérodynamique ?
 

 C'est l'élégante Audi 100 qui relança le mode aérodynamique fin 1982

C'est l'élégante Audi 100 qui relança le mode aérodynamique fin 1982



De 0,46 à 0,26 en quelques années.

La lecture de l'essai de la Visa GTI publié fin 1984 par l'Auto-Journal est significative de ce brutal engouement. Son plus important défaut était sa..... mauvaise aérodynamique. D'un naturel facétieux, dans les conférences de presse, parfois je m'amuse à questionner sur le SCx du modèle en me réjouissant du regard perdu de l'attaché de presse. Ça n'intéresse plus personne. Puis, les constructeurs développèrent des modèles soigneusement passés en soufflerie. Chacun annonça à son tour des Cx de plus en plus performants jusqu'au 0,26 de la Calibra en 1989. Mais le Cx n'était déjà plus à la mode qui se démode, c'est bien connu.

Dans les essais, nous roulions bien plus que de nos jours (parfois 400 km) et surtout beaucoup plus vite. A cette époque, les groupes de journaliste n'étaient pas séparés comme aujourd'hui. Si en 2016, les groupes télé (notamment ceux de TF1) ne parlent pas aux autres journalistes, hier, c'étaient les spécialisés qui, s'estimant faire partie d'une sorte de chevalerie, ignoraient les autres qu'ils ne considéraient pas comme des vrais professionnels. Dès la sortie de l'aéroport, ils nous doublaient allégrement avec 100 km/h de plus en se tirant copieusement la bourre sur la route.

Pilote ou journaliste ?

Travaillant alors pour les magazines spécialisés (Échappement, Autodefense et AutoHebdo,) j'étais un peu plus admis en leur sein que certains autres confrères. En cette époque où la vitesse était encore reine, le magazine AutoHeddo embauchait d'anciens pilotes en tant que journaliste-essayeur, tel Jean Pierre Malcher. Il roulait si vite sur la route que les photographes du journal refusaient de monter à ses cotés.

J'avais sympathisé avec Pierre-François Rousselot pourtant d'un abord assez glacial. Après des débuts fulgurants en monoplace (Champion d'Europe de F3), sa carrière s'était arrêtée alors qu'il avait le talent pour monter en Formule 1. Pour vous donner une idée de sa vélocité, lors de l'essai de la Brabham de Formule 1 en tant que journaliste, il avait réalisé un chrono qui l'aurait qualifié sur la grille de départ du GP ! Une fois, en essayant un prototype Toj Cosworth de 450 chevaux au Paul Ricard, il se montra plus rapide que le pilote de l'écurie. Du coup, le team-manager vira ce dernier pour lui confier le volant pour la course.

J'étais à ses cotés pour l'essai d'une BMW M5 de 315 ch. Il envoyait fort comme on dit. Quand je rétrogradais en trois à l'amorce d'un virage, lui, emmanchait carrément la cinq ! Un monde nous séparait. Mais il fut très tolérant pour le mauvais pilote que j'étais.

Génération turbo

Le début des années 80 fut marqué par la généralisation du turbocompresseur autant pour les moteurs à essence que turbo. Du coup, les puissances explosèrent de même que les vitesses de pointe. Beaucoup d'essais étaient organisées en Allemagne, alors qu'aujourd'hui, c'est au Portugal. Je me souviens des 230 km/h en pointe de l'Audi 200 Turbo et des 240 compteur de la CX Turbo dont cadran de température d'huile, à cette allure, affichait 150 degrés. Sa publicité, avec Grace Jones, scandalisa le ministre des transports qui interdit dorénavant de d'annoncer la vitesse de pointe dans les réclames.

Le turbo accouplé à un moteur diesel permit à ces voitures critiquées pour leur manque de vélocité, d'atteindre des performances plus élevés. Avec 95 chevaux, la CX 2500 devint l'une des berlines l'une des plus rapides avec 176 km/h contre 170 km/h pour la 505 GTD et 172 km/h pour la nouvelle Renault 25 DX magnifiquement profilée. BMW assomma tout le monde avec le 524 TD 6 cylindres de 115 ch. Une puissance égale à une 2 litres essence avec en prime une sonorité bien plus réjouissante. Elle me valut deux mois de retrait de permis car on comptait déjà de plus en plus de radars sur les routes.
 

La BMW 524 fut la première diesel rapide forte de ses 115 ch. Une puissance exceptionnelle en 1983.
La BMW 524 fut la première diesel rapide forte de ses 115 ch. Une puissance exceptionnelle en 1983.



Moteurs optimisés

Le turbo permettait de gagner des chevaux à peu de frais. C'était facile d'accroître la pression du turbo. Du coup, les services de presse concoctèrent des voitures "optimisées" pour les journalistes. Chez Alfa, un simple trombone retardait l'ouverture de la soupape de décharge. L'essai de 505 Turbo de 150 chevaux me démontra qu'elle marchait infiniment mieux que la mienne que je qualifiais de "voiture la plus rapide pour aller d'une pompe à l'autre". J'eus le tort de le faire remarquer avec ce titre de mauvais goût, je l'avoue : "Un constructeur rentre ses griffes " pastichant la pub de l'époque. Ce qui me valut d'être traité de mythomane par le service de presse.
 

Peugeot n'apprécia pas du tout l'utilisation de Clarence, le lion loucheur de Daktari pour pasticher celui de Sochaux à l'égard de la 505 turbo
Peugeot n'apprécia pas du tout l'utilisation de Clarence, le lion loucheur de Daktari pour pasticher celui de Sochaux à l'égard de la 505 turbo



Dix ans plus tard, par hasard, j'appris que Porsche qui avait "conçu" le moteur des 505 Turbo s'était trompé " involontairement" sur les spécifications de ceux destinés aux essais presse de 1983. Ils développaient 173 chevaux au lieu de 150 ! Et de mieux comprendre, aujourd'hui, pourquoi les diesels essayés ces années là, lâchaient autant d'opaques nuages noirs à l'accélération. Les responsables des services presse nous enfumaient en nous disant que c'était à cause de l'altitude.

La prochaine fois, nous évoquerons la folie GTI qui perdura quelques années ainsi que celle du monospace qui changea certainement le rôle de l'enfant dans notre société. Si vous le voulez bien....

40 ans d'essai automobile première partie ici

40 ans d'essai automobile troisième partie ici

 

 
 

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Mercredi 9 mars 2016

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