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Carlos Tavares, un "car guy" en manque d’air ?

Par Teddy Arzuffi*. Chez PSA, les dernières nouvelles concernant le projet HybridAir sont peu réjouissantes et les chances de voir ce projet aboutir en série deviennent infimes. Explications et conséquences.



CARLOS TAVARES

C’était il y à peine dix mois. Le 31 mars 2014, Carlos Tavares, ancien numéro deux de l’alliance Renault-Nissan, voit concrétiser son ambition professionnelle, à savoir celle de devenir officiellement le numéro un d’un groupe automobile mondial, le groupe PSA en l’occurrence.

Hormis les préoccupations financières, deux dossiers brûlants sont alors entre ses mains. Le premier concerne le positionnement des produits de la firme aux chevrons ainsi que l’émancipation de la griffe DS. Le second concerne le développement de la technologie HybridAir, mariant motorisation thermique et air comprimé à l’aide d’un système hydraulique. A peine recapitalisé à hauteur de trois milliards d’euros, le groupe doit-il investir quelques 500 millions d’euros pour passer à la phase d’industrialisation ?

Si la réponse pour le premier dossier sera claire et précise (DS est devenue une marque autonome), celle pour l’HybridAir est plus nuancée. Le nouveau numéro un du groupe considère en effet que PSA ne doit s’engager que s’il parvient à trouver un partenaire de manière à réduire les coûts d’investissement. Une sorte de « oui mais » qui laisse entendre que le projet est fragilisé en interne. Cette réponse confirme également que cet homme, réputé comme étant un cost-killer (un tueur de coûts), cherche à optimiser le moindre euro dépensé.

Les essais presse de prototypes basés sur des 2008 en juillet puis la présence de concepts HybridAir sur les stands Peugeot et Citroën au Mondial d’octobre dernier laissaient présager les chances d’aboutissement du projet, malgré l’absence d’une annonce officialisant un partenariat.

KARIMLe départ de Karim Mokaddem ne fait que renforcer les doutes quant à l’avenir du projet

En ce début d’année, des nouvelles officieuses confirment les doutes. En effet, Karim Mokaddem, responsable du projet, aurait quitté PSA fin septembre pour rejoindre un fonds d’investissement technologique. Bien qu’aucune annonce officielle n’ait été réalisée, il est fort probable qu’elle soit confirmée dans les semaines à venir. Une telle décision révèlerait alors plusieurs enseignements.

Premièrement, cela révèle que PSA arrive au bout de sa stratégie d’autonomie tout en collaborant avec d’autres constructeurs. La tendance actuelle veut qu’il n’y ait à terme plus que quelques grands groupes mondiaux.

Dans un tel contexte, un constructeur éventuellement intéressé par la proposition de PSA peut être limité dans sa liberté d’entreprendre en raison des liens ou alliances tissées avec des rivaux directs du groupe français. Ainsi, alors que des groupes plus grands et plus forts financièrement tels que Volkswagen et l’alliance Renault-Nissan auraient pu se lancer, PSA est contraint de rester au point mort.

Si PSA ne veut pas disparaitre, l’expérience de l’HybridAir doit lui faire prendre conscience que sa collaboration avec Dongfeng ne doit pas être un aboutissement, mais bel et bien la première pierre d’un processus d’intégration dans un groupe financièrement plus puissant.

ds3Cette C3 risque bien de n’en rester qu’au stade du prototype.

Deuxièmement, la question est certes brutale mais si PSA renonce à l’HybridAir, à quoi va ressembler sa vitrine technologique ? Spécificité propre à Citroën, la suspension hydropneumatique n’apparaît plus au catalogue et ce, même pour un modèle statutaire tel que la C5.

De son côté, la technologie hybride-diesel semble elle aussi sur le point de disparaitre car les volumes de vente n’ont pas permis d’amortir de façon satisfaisante les investissements initiaux. De plus, la technologie ne pouvant être combinée qu’aux motorisations consommant du gasoil, carburant sujet à de nombreuses critiques, les perspectives de développement sur le long terme sont quasi nulles.

508 rxh

Depuis son restylage, la 508 RXH n’est pas seulement disponible qu’avec l’hybride diesel, signe du succès nuancé de cette technologie

Enfin, suite à des choix stratégiques discutables, le groupe ne propose toujours pas de transmission automatique à double embrayage capable de rivaliser avec la boîte DSG du groupe Volkswagen, référence en la matière.

Carlos Tavares semble vouloir alors concentrer ses forces et l’investissement sur les motorisations essence hybride rechargeable. Néanmoins, PSA ne pourra pas se targuer d’avoir été à l’initiative de la technologie tel que Toyota avec l’hybride et l’hydrogène ou Renault avec l’électrique. Or, à l’heure de la société de l’image dans laquelle nous vivons, de tels signaux marketing sont tout de même bénéfiques pour la réputation d’un groupe.

Troisièmement, une prise de recul semble être nécessaire. Toyota connait un véritable succès avec ses modèles hybrides depuis seulement quelques années. Arrivé en 1997, l’hybride aura mis environ quinze ans avant d’éclore d’un point de vue commercial.

Mais, chers petits observateurs, rendez-vous compte : pour débarquer en 1997 sur le marché avec une technologie au point, Toyota a probablement réalisé ses premières expérimentations au moins dix ans auparavant. Ce qui nous fait remonter au milieu des années 1980, c’est-à-dire il y a trente ans! Personne n’a été visionnaire à ce point, personne n’a osé prendre un risque sur une période aussi longue. Mais aujourd’hui, Toyota est le solide leader de la voiture hybride.

Le retour à une rentabilité à court et moyen terme pour PSA est une priorité mais l’exemple de Toyota est tout de même à méditer pour Carlos Tavares. En effet, des sommes considérables pour l’HybridAir ont déjà été engagées, les perspectives de croissance du marché de la voiture verte en Chine s’annoncent exponentielles et le groupe dispose d’un allier de taille : le premier équipementier automobile mondial, Bosch. Si cet acteur a mobilisé des moyens humains et financiers considérables pour développer l’idée d’un hybride à air comprimé, cela démontre la pertinence d’une telle technologie.

Monsieur Tavares, vos qualités de dirigeant sont indéniables. Vous êtes réputé être un car guy, mais il serait regrettable que votre travail soit entaché par des critiques concernant un manque de prise de risques de votre part. L’entrepreneur que vous êtes ne devrait-il pas avoir en permanence en écho dans son esprit les propos de Georges David, industriel américain qui affirmait que « si l’on n’investit pas sur le long terme, il n’y a pas de court terme » ? Monsieur Tavares, il n’est pas encore trop tard!

*Teddy Arzuffi est étudiant en droit, âgé de 21 ans, petit observateur fidèle contributeur de P.O.A.

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Samedi 14 février 2015

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