Renault Initiale Paris : Peut-on faire des anneaux avec un losange ?

Par Teddy Arzuffi. Teddy est un petit observateur fidèle de P.O.A. Etudiant en droit, il est âgé de 20 ans. Depuis le salon de Francfort 2013, Renault a annoncé sa volonté d’occuper de nouveau le segment du haut de gamme. Catégorie dans laquelle il s’y est pourtant cassé les dents! Il y a donc de quoi s’interroger quant à l’offensive lancée à travers le nouvel Espace et la griffe Initiale Paris au Mondial de l’automobile de cette année.



Renault, créateur d’automobiles. Ce slogan correspondait parfaitement à l’ex-régie, inventrice du monospace avec l’Espace, décliné par la suite avec la Twingo et le Scénic. Porté par ces succès, Renault s’est montré trop euphorique en bousculant les codes du haut de gamme, marché très conservateur. Et il l’a payé cher. L’aventure de l’Avantime s’est avérée être un fiasco et la Vel Satis n’a pas réussie à être perçue comme une alternative aux berlines allemandes.

Logiquement, le losange a ensuite proposé un design plus consensuel mais peu séduisant. L’arrivée de Laurens van den Acker en 2009 aura été une libération. En effet, il a su créer un équilibre subtil en redonnant envie d’acheter une Renault pour son style, tout en poussant le curseur sur les jeux de couleurs et sur l’expressivité des faces avant assez loin. C’est dans ce contexte qu’arrive le nouvel Espace. Cette cinquième génération doit supporter de lourdes responsabilités : plaire à nouveau dans un segment atone, celui des grands monosopaces, tout en introduisant l’arrivée de Renault dans le segment du premium. Pour l’occasion, l’Espace s’intègre parfaitement au sein de la gamme Renault et ce, même si les Captur, Clio et Twingo ont une vocation plus populaire que haut de gamme. Néanmoins, de part certains détails, l’Espace prouve bien qu’il s’adresse à une autre clientèle.



À l’extérieur, le chrome est employé de façon juste et les feux de jour à LED font l’objet d’une intégration élégante au sein des blocs optiques (tandis qu’ils ne sont qu’apposés sur les calandres des autres modèles de la gamme). L’intérieur a quant à lui fait l’objet d’attentions particulières. En atteste l’abandon des lourds sièges à l’arrière au profit de sièges modulables électriquement, l’éclairage d’ambiance autour de la console centrale ou encore le levier de vitesse au style « coudé » très réussi. L’indispensable interface tactile utilisant le système R-Link a été peaufinée et l’instrumentation devient personnalisable à l’image du C4 Picasso ou encore de la nouvelle Audi TT. On a déjà connu pire comme comparaison ! Sans oublier que pour séduire au maximum, Renault a cédé aux sirènes de la mode en opérant un croisement génétique de son monospace avec des gènes de SUV.



Néanmoins, cette nouvelle génération va devoir se confronter à certaines difficultés. Tout d’abord, l’Espace s’appelle... Espace! Certes, ce nom fait partie de l’Histoire de l’industrie française à l’image de la DS, du Concorde et du TGV.



Mais la génération actuelle, reposant sur la plateforme de la Laguna II, a connue au début de sa carrière d’importants déboires de fiabilité. Certains clients se sont donc tournés vers d’autres constructeurs. De plus, le losange, pour des raisons économiques, a délaissé l’Espace en le commercialisant douze ans sans le faire véritablement évoluer. Or, certains de ses concurrents sont restés actifs et ont acquis une véritable notoriété, comme en atteste le succès du S-Max de Ford. Coïncidence stratégique, Ford renouvelle également en 2015 son S-Max qui lui aussi... monte en gamme, se veut plus statutaire et souhaite attirer des clientèles aux portefeuilles plus garnis!

Un véritable combat entre David et Goliath s’annonce. Mais qui est David ? Qui est Goliath ? L’attribution des rôles n’est finalement pas si évidente qu’il n’y parait...Pour s’assurer une légitimité dans le haut de gamme, Renault prévoit également de frapper l’Espace du sceau de sa nouvelle griffe de luxe « Initiale Paris », présentée en octobre au Mondial de Paris avec la Clio. En effet, le losange n’est pas insensible à la démarche qu’a eu PSA avec DS et il a pris conscience que des marges conséquentes sont à réaliser avec des modèles plus qualitatifs.



 Cependant, une réflexion reste à se poser. Infiniti est une marque au potentiel premium certain mais dont les ventes restent quasi confidentielles. La lisibilité des gammes de l’alliance Renault-Nissan ne serait-elle pas meilleure avec un losange proposant quelques véhicules plus huppés et chaleureux, et Infiniti incarnant une véritable offre premium ? Telle que la stratégie semble s’orienter, n’existe t-il pas un risque de cannibalisation entre la griffe de luxe au losange et Infiniti ? Il est évident qu’il est compliqué pour Renault de chasser sur les terres des Allemands. Mais heureusement! DS, Ford, Jaguar, Land Rover, Peugeot et Renault sont en train d’apporter, chacun à leur manière, une alternative au dogme de la « Deutsche Qualität ».

La mondialisation s’accompagne d’une flagrante homogénéisation de nos modes de vie. Or, malgré cette tendance, l’automobile se remet en question et bon nombre de constructeurs tentent de diversifier l’appréhension de ce que doit être une « bonne bagnole ». Ainsi, une sorte de melting-pot automobile semble être en train d’émerger, ce qui est en somme un message d’espoir pour l’avenir de cette formidable industrie.

Avec une telle dynamique, il convient de reprendre le slogan de Renaud et de remanier celui de Renault. En effet, petits observateurs, unissons-nous et « changeons d’a priori, changeons la vision de l’automobile! ».

Petite observation de la nouvelle Renault Espace V