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150 Aston Martin Cygnet, les raisons d'un naufrage pourtant prévisible

Il y a trois ans, Aston Martin lançait la Cygnet, une petite Toyota IQ modifiée par Aston Martin (calandre Aston, phares et feux spécifiques, intérieur cuir…). Vendue deux fois le prix de la Toyota, environ 40 000 euros sans option, la Cygnet devait permettre au célèbre constructeur de voiture de sport de pénétrer le marché des citadines de luxe et  faire baisser officiellement les émissions de CO2 de l’ensemble de sa gamme aux yeux de Bruxelles. Je me souviens du sympathique voyage de presse à Londres organisé par Aston afin de nous vanter les qualités de celle qui devait ringardiser la Mini et assurer le développement de la marque. Je me souviens de longue discussion avec la patron du design Marek Reichman me justifiant avec force qu’il s’agissait bien d’une Aston Martin et non pas d’une Toyota. Je me souviens du management m’expliquant que tous les possesseurs d’Aston étaient ravis de cette opération et qu’ils seraient tous des futurs clients de ce petit bijoux roulant. Je me rappelle que le marketing évaluait le marché de la Cygnet à 4000 ventes par an. Enfin, je me souviens de ma perplexité sur cet abus d’image que je trouvais dévastateur sur le long terme pour Aston Martin.

 La semaine dernière, j’ai vu passer en catimini un communiqué de presse d’Aston Martin annonçant la fin de la production de la Cygnet qui s’est vendu à seulement … 150 exemplaires en trois ans, contre 12 000 espérés. 150 Cygnet. 150. Tout ça pour ça ai-je envie de dire . Quel cinglant démenti du marché et quel preuve de bon sens des (riches) clients potentiels dont on m’expliquait pourtant que l’argent n’est pas un problème. Quelle grossière erreur de la part des managers d’Aston Martin de ne pas avoir respecté l’ADN de leur marque et de s’être moqué du monde. L’aventure stupide de la Cygnet ne pourrait être qu’un bide commercial mais, hélas, elle écorne l’image d’Aston Martin en profondeur. Et c’est grave. Dans le luxe, le capital image est sacré. Il faut précieusement veiller sur ce capital, car la construction d’une image de marque est longue et fragile. À l’inverse, elle peut se détruire en un clin d’œil. L’image de marque détermine la valeur impalpable d’un objet et plus encore d’une voiture de rêve. L’image, c’est l’imaginaire de chacun et cela n’a pas de prix. Or la Cygnet a trahi l’imaginaire Aston Martin avec un produit désespérément banal, pour ne pas dire ridicule. Cela coûtera cher à Aston, bien plus cher que les centaines de Toyota IQ invendues dans l’usine de Gaydon.

 Les responsables marketing vivent dans un temps court, 2 à 3 ans en général (celui de la durée de vie de leur poste en entreprise) et ils prennent des décisions dont ils attendent des résultats quasi immédiat pour promouvoir leur carrière. Cela explique leur volonté de lancer la Cygnet et de leur point de vue cela pouvait se comprendre. Mais le rôle d’un patron de marque est de voir loin, plus loin que ses collaborateurs et la tyrannie de l’immédiateté.

Je me souviens de mon papier de l’époque (voir ci dessous) à propos de la Cygnet qui titrait, James Bond à la retraite et qui était malheureusement annonciateur du désastre. Je n’en tire aucune fierté, j’aime trop l’automobile pour me réjouir d’un échec. Que tout cela puisse servir de leçon aux apprentis sorciers du marketing automobile….

007 à la retraite, publié en mars 2011

Finis les sièges éjectables, les missiles dans les phares et les plaques tournantes. Pour continuer de nous faire rêver, Aston Martin propose de se garer dans un mouchoir de poche, de ne pas polluer et de rouler Japonais. 







Les temps sont durs, même chez Aston Martin. Vendre des super car ne suffit plus pour briller au firmament de l’automobile. Puissance, gloire et beauté doivent désormais rimer avec faibles émissions de CO2, trafic urbain et politiquement correct. Imaginez James Bond obliger de quémander son permis de tuer à Amnesty International et vous comprendrez pourquoi l’époque lui impose de rouler en Cygnet.

Fumer tue, boire est un pêché et rouler vite vous emmène directement en prison sans passer par la case départ. Rassurez-vous braves gens, le marketing a la solution pour perpétuer le mythe sans danger. Prenez une Toyota IQ, ajoutez lui la calandre ovale, tapissez là de cuire pleine fleur, saupoudrez de chrome véritable, collez lui le badge Aston Martin, facturez là 38 500 € sans options, mélangez et vous obtenez la city car 007 qui veut se faire une place au soleil au côté de la Mini et la Fiat 500.



Pour faire passer la pilule du rebadging, la Cygnet ne devait être au départ qu’une courtesy, une faveur faite aux acheteurs d’Aston Martin pour évoluer avec style entre la City et Coven Garden. Une annexe pour la ville quand la DBS dort au garage. Une attention charmante entre gens du même monde. Oui mais voilà, enivrés par des désirs de mondialisation à marche forcée, les dirigeants d’Aston se sont dit que la Cygnet pouvait jouer dans la cour des constructeurs premium et assurer la pérennité de l’entreprise et la leur par la même occasion.

 

L’Aston Martin Cygnet est donc finalement en vente libre et votre coiffeur pourra désormais vous snober en se prenant pour un agent de sa très gracieuse majesté. James Bond vient définitivement d’être mis à la retraite.

Petites Observations Automobile - mars 2011

Voir aussi : Vidéo Aston Martin Cygnet
 

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Mercredi 16 octobre 2013

L’avis des Petits Observateurs

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