Les Petites News • Peugeot

La communication du Peugeot 2008 : la polémique

Le débat fait rage à la suite de l'article de Christophe Ginisty, directeur de l'agence de relation publique Edelman, qui pointe du doigt l'attitude d'un journaliste du Point.fr (auto addict), qui a cru que Peugeot n'avait pas envoyé de dossier de presse sur le 2008 aux journalistes pour privilégier les médias sociaux. En fait, il n'en n'est rien. C'est suite à une fuite non voulue du site de l'Argus que les images du 2008 ont fait le tour du web vendredi dernier. Peugeot avait bien prévu un dossier de presse, mais le journaliste d'Auto Addict ne se le savait pas. Quoi qu'il en soit, il faut lire la tribune de Christophe Ginisty, qui ignorait lui aussi qu'il s'agissait d'une fuite, car elle pose les bonnes question sur ce que représente la valeur de l'information.

Petites Observations Automobile - janvier 2013

Retour sur une aigreur journalistique hors sujet, par C.Ginisty (avec l'autorisation de l'auteur)




Il y a quelques jours, je suis tombé par hasard sur un papier légèrement amer rédigé par un certain Jean-Christophe Lefèvre (que je ne connais pas) pour LePoint.fr, Peugeot 2008 : une communication sans journalistes... dans lequel l'auteur se plaignait que le constructeur automobile ait décidé de lancer son nouveau SUV sans sacrifier aux codes traditionnels des lancements effectués à grands renforts de dossiers de presse et d'essais réservés aux journalistes.

Ce papier m'a interpellé à plus d'un titre car je l'ai trouvé à la fois stupéfiant et révélateur de l'époque médiatique dans laquelle nous sommes.

Pour résumer la situation, laissons l'auteur de l'article présenter le cas :

"Habituellement, les constructeurs automobiles délivrent à la presse ce que l'on nomme un "dossier de presse" lors de la révélation d'un nouveau modèle. Ce dossier, agrémenté d'une large iconographie, reprend l'intégralité des données techniques, tarifs et équipements accompagnés de données et analyses sur la génèse du projet, l'industrialisation, les acteurs et créateurs du nouveau modèle ainsi que le positionnement stratégique. Un fonds documentaire qui permet de mieux mettre en perspective la future commercialisation du modèle et d'apporter une analyse informée sur le modèle. 

Mais Peugeot a choisi de dévoiler son petit SUV 2008 (4,16 m de longueur, prix à partir de 16.000 euros), basé sur la récente 208, via une communication "unilatérale" sur les réseaux sociaux sans en informer les médias."


Lorsque j'ai lu cela, j'ai d'abord failli m'étrangler.

Comment peut-on parler de communication "unilatérale" à propos des réseaux sociaux ? C'est non seulement une ineptie mais un non sens. Sans en faire pour autant leur apologie, les réseaux sociaux sont nés de la "multi-latéralité" et fonctionnent toujours sur cette base.

C'est au contraire la communication traditionnelle à destination de la presse qui est unilatérale. J'ai fait ce métier plus de 20 ans et je peux en témoigner. C'est un métier qui consiste à préparer un dossier de presse, le rédiger soigneusement, le mettre en forme et le délivrer aux journalistes sélectionnés le jour J. Il n'y a rien de plus unilatéral que cela.

Le fait de s'en remettre à l'avis des internautes utilisateurs des médias sociaux est un acte qui brise précisément l'unilatéralité des stratégies traditionnelles.

Le journaliste ne s'arrête pas à ce contre-sens et continue sa prose en développant son argument massue :

"AutoAddict se retrouve donc dans la même position que vous mêmes, chers lecteurs internautes et mobinautes, en spectateurs d'une stratégie de communication qui se joue ailleurs. Et, bien sûr, dans l'incapacité de commenter de façon indépendante et documentée le lancement de ce véhicule si important pour Peugeot aujourd'hui qui se débat face à la crise automobile en Europe"

C'est énorme !

Je n'avais encore jamais lu le point de vue d'un journaliste qui se plaignait d'être dans la même position que ses lecteurs. J'avais au contraire rencontré tout au long de ma carrière des centaines de journalistes qui cherchaient à m'expliquer qu'ils faisaient leur métier en se mettant dans la peau des consommateurs "lambda" et qu'ils étaient particulièrement fiers d'entrer dans les pas des monsieur et madame tout-le-monde.

C'est cette volonté de s'identifier au consommateur, de manière indépendante, d'acheter dans les mêmes conditions qu'eux qui a fait le succès des bancs d'essai comparatifs et des magazines du type 60 millions de consommateurs, ne l'oublions pas.

Entendre un journaliste se plaindre d'être traité comme un simple consommateur est assez stupéfiant quand on pense à sa mission première.

Enfin, il y a l'argument le plus étonnant qui signe la fin de l'article :

"Nous attendrons donc d'être en possession, quand la direction "Publicité et Marketing Produit" de la marque au lion le voudra bien, du fameux dossier de presse permettant de juger sur pièces pour vous livrer notre analyse." 

Rien ne vous surprend dans cette phrase ? Rien ne vous semble paradoxal ?

Voyons, cette phrase est étonnante car le journaliste n'hésite pas à nous dire qu'il attend le dossier de presse créé par la direction publicité et marketing pour "juger sur pièce" et "livrer son analyse."

Quand on sait la manière avec laquelle sont produits les dossiers de presse, tout à l'honneur du produit présenté et naturemment dithyrambiques malgré des trésors d'objectivité rédactionnelle, on se demande vraiment comment un journaliste digne de ce nom peut prétendre livrer une analyse indépendante sur cette seule base.

Même si un dossier de presse présente des données techniques, il est généralement truffé de jugements de valeur, de déclarations d'intention, de propos incantatoires et impossibles à vérifier sans une réelle prise en main du produit. Reconnaissons-le et posons-nous la question : le journalisme consiste-t-il à commenter des dossiers de presse ?

Mais à la fin de la lecture de cet article, on se dit que le journaliste a tourné autour du pot, qu'il a commis un vrai pêché d'orgueil mais qu'il ne s'est pas posé la seule question qui méritait d'être finalament posée : Pourquoi une marque telle que Peugeot peut-elle se passer des rituels traditionnels des relations presse et décider de zapper l'étape de sécuction des journalistes de la presse automobile avant de lancer un modèle ?

Car c'est ça la vraie question.

En procédant comme elle l'a fait, la marque Peugeot a clairement envoyé un message aux journalistes : vous ne nous intéressez plus et votre influence est désormais toute relative comparée à celle des internautes les plus actifs sur les réseaux sociaux.

C'est de cela dont il faut débattre et pas de savoir si le dossier de presse a été conçu envoyé dans les règles.

Ne vous méprenez pas, je n'ai rien contre les journalistes, bien au contraire. Je travaille à leurs côtés depuis des années et je loue leur rôle dans l'information du public et dans l'éveil des consommateurs. Mais leur influence n'est pas éternelle, il faut qu'ils en soient conscients.

Cet épisode est révélateur d'un changement d'époque dans la cartographie de l'influence médiatique. Nous sommes à un tournant dans les relations des marques du grand public avec la presse. Peugeot l'illuste pas une attitude certes extrême mais il faut y voir un signal faible annonciateur d'un prochain rééquilibrage plus global des relations presse.

Je ne sais pas ce que vaut la voiture objet de cette campagne mais une chose est sûre Peugeot innove dans sa stratégie de communication et je parie que de nombreuses marques feront de même dans les mois et les années qui viennent.

Espérons que certains journalistes auront l'intelligence et l'humilité de se poser les bonnes questions et de faire l'état des lieux de leur rôle dans l'information du public lors de lancements de produits.

A suivre...

Rédigé par Christophe Ginisty le Lundi 7 Janvier 2013

http://www.ginisty.com/Peugeot-2008-retour-sur-une-aigreur-journalistique-hors-sujet_a914.html



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  • Type de véhicule
  • SUV

Mardi 8 janvier 2013

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