Les Petites News • Nissan

Et si Nissan était le nouveau créateur d'automobile?

Elue voiture de l'année 2011, la Leaf place Nissan au rang des "créateurs d'automobile" une formule pourtant réservé à Renault au sein de l'alliance. Y aurait-il inversion des rôles ? 

par Renaud Roubaudi



À l’image de la Palme d’Or à Cannes, le titre de voiture de l’année n’est pas une garantie de succès commercial, mais il a valeur de symbole. La Nissan Leaf qui vient de décrocher le titre pour 2011 porte sur son capot tous les espoirs d’une mobilité propre, enfin vertueuse et décomplexée. Première berline compacte réellement conçue pour une utilisation 100 % électrique, la Leaf offre 150 km d’autonomie, file à 145 km/h maxi et se recharge en 7 heures sur une prise classique. Pour éviter le coup de la panne, elle dispose d’un GPS intelligent qui surveille l’autonomie en proposant les parcours les moins énergivores et identifie les points de recharges tout le long du trajet. Disponible en juin 2011 sur le marché français, la Leaf sera vendue 30 000 € une fois déduit le bonus écologique de 5000 €. Cependant avec une production annuelle estimée à 40 000 unités dans le monde, la Leaf restera dans un premier temps une voiture rare, chargée de défricher le terrain, pour ne pas dire essuyer les plâtres.

Face aux incertitudes de l’électrique, les membres du jury de la voiture de l’année (57 journalistes automobiles de 23 pays européens) sont en fait très partagés. Le détail des votes étant publié sur le net*, il est frappant de constater que les notes de la Leaf oscillent souvent entre 0 ou 10, soit tout ou rien. Un fait unique dans cette élection depuis 47 ans. Si une majorité de journalistes sont convaincus, ou résignés, de l’avenir de la voiture électrique, une poignée d’irréductible crie à l’arnaque organisée. Pour eux, elle est trop limitée par son faible rayon d’action, trop chère à produire, trop longue à recharger et pas si propre si l’électricité fournie provient d’une centrale à charbon. Le consommateur tranchera, mais c’est bien connu, « c’est le premier qui dit qu’il y est » et à ce jeu-là Nissan a réussi une belle opération qui va au-delà du potentiel commercial de la Leaf et récompense une stratégie fondée sur la différence.

Le constructeur japonais, membre de l’alliance Renault-Nissan, a réussi une étonnante mutation en pariant à l’aube des années 2000 sur la fin des segmentations classiques en automobile. Convaincus que le consommateur s’individualiserai à outrance, les stratèges de Nissan ont alors choisi d’abandonner leurs gammes traditionnelles au profit de modèles alternatifs, décalés face aux standards du marché. La première note de cette partition est jouée en 2006 avec le Qashqai, un mélange de 4X4 de break et de monospace, qui boxe à la fois sur le terrain d’une Golf et d’un Renault Scenic, deux stars des podiums européens. 

À la surprise générale, le Qashqai ratisse large et dépasse rapidement le cadre du véhicule de niche pour créer son propre segment, investi depuis par toute la concurrence. En 2010, Nissan décline le concept pour la ville avec le Juke qui brouille les pistes de la citadine et dont le physique sous extasy renvoie le design d’une Clio à celui d’une Traban. Les commandes explosent. Nissan lance aussi la GTR, une super sportive qui nargue avec brio une Porsche 911, introduit dans sa gamme européenne le très original Cube, une auto mythique au Japon, et s’aventure récemment à transformer un 4X4 en cabriolet, une première mondiale, le Murano Cross cabrio. 

Le tableau ne serait pas complet sans évoquer l’arrivée de la nouvelle Micra qui, sous un physique volontairement passe-partout, met fin à la tyrannie du toujours plus en proposant « moins » que le modèle qu’elle remplace. La gamme de cette citadine est drastiquement simplifiée, un seul moteur essence et 4 versions sont disponibles, et la finition se veut basique, en contrepartie l’équipement est complet et le prix séré (9900 € à 14 200 €) pour un modèle tout équipé avec GPS. Si cet argumentaire raisonne comme un catalogue publicitaire, il ne faut pas s’y tromper, c’est un choc culturel. La nouvelle Micra marque un coup d’arrêt à la surenchère ambiante et parle aux blasés de l’automobile qui ont quand même besoin d’une voiture. Dernier atout pour Nissan, la présence dans son jeu d’Infiniti, marque jumelle spécialisée dans le luxe, qui risque de faire parler d’elle en Europe avec l’arrivée de version hybride.

En clair, Nissan ose inventer sa propre histoire et sa stratégie rappelle curieusement celle qui fit le succès de Renault dans les années 90 avec des concepts audacieux telles que Twingo, Scenic ou Espace. Étrange inversion des rôles au sein d’une même famille réunie par l’alliance Renault-Nissan en 1999. À l’époque, Renault est « Le » créateur d’automobile et Nissan une marque d’ingénieur, réputée fiable, mais ennuyeuse. 

À croire qu’en dix ans Carlos Ghosn a déshabillé Renault pour habiller Nissan. Pourtant il manque encore un supplément d’âme à Nissan pour devenir une « supra-marque », une marque plus forte que ses produits, à la façon d’Apple ou Adidas. Le Graal ultime dans une société consumériste. Il s’agit d’inspirer un imaginaire plus émotionnel que rationnel. Pour la Leaf, les publicitaires américains ont imaginé un ours polaire traverser les continents afin de venir à Los Angeles lécher de contentement l’acheteur de cette voiture électrique. C’est caricatural à souhait, mais le message est clair. Nissan se verrait bien en sauveur de l’humanité dans l’imaginaire collectif. Qui ne tente rien n’a rien.

Renaud Roubaudi - Petites Observations Automobile - février 2011

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Jeudi 10 février 2011

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