Le ressort cassé de l'industrie automobile (mars 2009)

Mais où allons-nous ? En pleine crise à répétition, toute l’industrie automobile tremble pour répondre à cette simple question. 

Comme un château de carte qui s’écroule, les mauvaises nouvelles s’enchaînent à un rythme fou : Effondrement des ventes de tous les marchés, baisse historique de la consommation d’essence, ralentissement du nombre de kilomètres parcouru, pour la première fois la voiture est en panne sur le bord de la route.

L’effet conjugué de la crise du crédit, du pouvoir d’achat et de la confiance sont en partie responsable, mais pas seulement. De façon confuse, telle la mauvaise conscience du fumeur impénitent, le sentiment que l’on ne peut plus rouler comme hier s’installe dans les esprits. Même les amoureux de l’automobile reconnaissent attendre quelque chose d’autre. Oui mais quoi ? Dans ce contexte, il est intéressant de comprendre que l’un des ressorts qui a porté la croissance automobile ces vingt dernières années était l’innovation à tous crins.

Poussée par les équipementiers et à la demande des constructeurs en recherche de signes distinctifs, l’innovation technologique est devenue au fil du temps la principale promesse du renouveau automobile. Qu’il s’agisse de sécurité, de confort ou de performance, le package auto a multiplié son offre par 8 en 10 ans. Un exemple ? Un simple rétroviseur extérieur dans les années 90 est devenu en 2008, électrique, chauffant, rabattable automatiquement, photosensible pour s’obscurcir à la lumière des phares suiveurs, équipé d’un répartiteur de clignotant, d’une lumière d’ambiance pour éclairer le sol, et maintenant porteur d’un capteur d’alerte d’angle mort…

Cela peut paraître anecdotique, mais cette surenchère, parfois proche du gadget, s’applique à tous les domaines de votre voiture : confort, sécurité, tenue de route, équipement. Ce cercle vertueux du « toujours plus » permettait de vendre des nouvelles voitures tant que le public suivait. Or, aujourd’hui ce ressort est cassé, même auprès des clients les plus aisés.

L’étude confidentielle du cabinet Oliver Wyman, Car Évolution 2015, met en évidence cette lassitude des consommateurs occidentaux dès 2007. La plupart se déclaraient incapables de faire le tri sous l’avalanche de nouveauté technologique. Sur 100 % de nouveautés, seulement 30 % sont perçues et comprise, et seulement 17 % sont achetés car considérés comme utile. Quand on sait que l’investissement de recherche et développement de tous les constructeurs représente plus de 30 milliards par an, on imagine la déperdition, pour ne pas dire le gâchis, de cette course au surarmement. Le toujours plus en vigueur depuis vingt ans a atteint ses limites.

On touche là au fondement du système de pensée des concepteurs automobiles. Ils doivent changer de logiciel culturel et c’est cela qui est paniquant. Il faut d’abord le comprendre, l’assimiler, pour ensuite pouvoir se réinventer. D'où la crise de confiance sur leur raison d’être actuelle.

Que vendent-ils au-delà de la mobilité ? Les valeurs de performances, de statut social avaient déjà disparu et voilà que l’innovation perd de son sens. Face à cette situation, le danger est de jeter le bébé avec l’eau du bain, car après la crise, cela arrivera forcément, le besoin de mobilité sera toujours aussi essentiel, sinon plus. Les gagnants seront ceux qui proposeront un savant cocktail fait de motorisation propre, de valeur eco-citoyenne, de communication embarquée, d’interactivité avec l’extérieur, mais aussi d’art de vivre intérieur et de personnalité au travers un design contemporain affirmé. Bref un véritable chantier d’avenir passionnant mais qui n’épargnera pas ceux qui n’ont pas compris que cette crise, avant d’être économique, est une crise de civilisation. Bienvenu dans un nouveau monde.

 

Renaud Roubaudi - Petites Observations Automobile - mars 2009